« L’affaire Petro Caribe a fait couler beaucoup de salves dans les medias traditionnels que sociaux et ceux nationaux qu’internationaux. Ce dossier est devenu incontestablement une affaire internationale. »
Nul n’est censé ignorer qu’au moins USD 3.8 milliards de dollars américains récoltés dans ce programme, destinés à réaliser des projets d’envergure et de développement en Haïti, ont été mal gérés, gaspillés dans des projets dit-on bidons et pour la plupart inachevés. Le Sénat de la République d’Haïti par le truchement de la Commission Ethique et anti-Corruption avec à sa tête les honorables Sénateurs Youri Latortue et Evalière Bauplan, a fait sortir un rapport sur la gestion catastrophique de ces milliards que le Gouvernement ainsi que les Parlementaires pro ont rejeté d’un revers de main, prétextant que cette prérogative d’auditer à posteriori les dépenses de l’Etat revient à la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif et que ce rapport devrait être transmis à cette cour afin qu’il suit régulièrement la procédure tracée.
lire aussi Analyse juridico-technique
On se le rappelle très bien l’excellentissime plaidoirie, lors d’une séance speciale, des Sénateurs Kédlaire Augustin et Joseph Lambert respectivement Sénateurs du Nord-Ouest et du Sud-Est, pro-gouvernementaux, pour que ce rapport ait été transmis à nos brillants Fonctionnaires de l’avenue Christophe qui sont devenus aux yeux du Président de la République des moins que rien parce que le Chef de l’État lui-même est épinglé dans les récents rapports qu’ils ont remis après des jours fatidiques et au péril de leur vie. Il faut entre temps le souligner à l’encre noire, ces deux rapports retracent un vaste complot concocté contre le peuple haïtien.
Environ 77% des données traitées constituent les rapports I et II remis par la CSCCA contre 23% qui ne le sont pas encore, ce qui signifie qu’un troisième rapport est attendu. Alors que le Chef de l’Etat avait lui-même promis de faire jaillir la lumière sur la dilapidation des fonds petro caribe en donnant à cette cour les moyens nécessaires d’accompagnement afin que sereinement ses travaux d’audit soient effectués dans les délais impartis, sans qu’ils ne soient finalisés, le Président s’est ridiculisé en demandant à l’OEA d’envoyer une commission dans le but de contre évaluer les travaux de ladite cour.
D’entre de jeu, l’OEA est confrontée, elle-même, à un double principe inscrit dans sa charte, selon lequel cette institution doit apporter sa solidarité aux Etats membres, mais n’est pas autorisée à intervenir dans les affaires internes desdits Etats. Ce sont les principes de solidarité et de non-intervention. C’est dans ce contexte international que nous allons analyser cette demande et étudier la posture que doit garder l’OEA au regard des principes directeurs qui devraient toujours la guider.
Si nous partons du principe qui veut que les traités, la coutume et les mœurs soient les sources du droit international, la relation entre Haïti et l’OEA est à la base mal fondée et est malencontreusement établie sur des cas de violations systématiques des chartes des deux « Entités ». La Constitution haïtienne de 1987 dans son Article premier stipule que : « Haïti est une République indivisible, souveraine, indépendante, coopératiste, libre, démocratique et sociale ». Nous retenons de cet article les termes suivants : République souveraine, indépendante et coopératiste.
Une république souveraine et indépendante coopère avec ces pairs dans le respect des règles établies. Cependant, les dirigeants haïtiens depuis des décennies prennent plaisir à inviter certains Etats et institutions internationales à intervenir dans les affaires internes du pays dans l’unique but d’entériner leurs dérives et de consolider leur pouvoir par des artifices douteux, sans mesurer les enjeux géopolitiques et les répercutions graves que cette attitude vile et plate peut avoir sur les institutions régaliennes du pays.
Plus près de nous, l’affaire de la « double nationalité » présumée de l’Ex- Martelly, celle des huit mercenaires et actuellement l’affaire du petro caribe, sont des cas emblématiques d’intervention ou de demande d’intervention d’un Etat ou d’une instance internationale dans les affaires internes d’Haïti, en violation de la charte de l’OEA et de la constitution haïtienne.
Or, l’Organisation des Etats Américains n’a d’autres facultés que celle que lui confère expressément la charte dont aucune disposition ne l’autorise à intervenir dans des questions relevant de la juridiction interne des Etats membres. De ce fait, comme l’a si bien relaté la charte de l’OEA, l’ordre international est basé essentiellement sur le respect de la personnalité, de la souveraineté et de l’indépendance des États ainsi que sur le fidèle accomplissement des obligations découlant des traités et des autres sources du droit international.
Plus loin à l’intérieur de la charte de l’OEA dans son article 19, il est mentionné qu’aucun État ou groupe d’États n’a le droit d’intervenir directement ou indirectement, pour quelque motif que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat. Le principe précédent exclut l’emploi, non seulement de la force armée, mais aussi de toute autre forme d’ingérence ou de tendance attentatoire à la personnalité de l’État et aux éléments politiques, économiques et culturels qui la constituent. Ce principe est d’autant valable pour un État que pour l’Organisation elle-même.
En vertu de ces considérations, la requête du Chef de l’État que l’on peut qualifier de maladroite et anti-constitutionnelle, sollicitant de l’Organisation des États Américains la mise en place d’une commission de vérification et d’évaluation des travaux de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, enlève les prérogatives constitutionnelles d’une Institution nationale et les attribue à une Organisation régionale dont son passé médiocre dans les affaires politiques du pays est soldé pars des échecs répétés. L’OEA se discréditera davantage si elle accepte de donner suite à une telle initiative, puisque sa charte ne l’autorise pas à intervenir dans les affaires internes de ses Etats membres.
Jems GEDEON, auteur.